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Portrait de Chaï Moa, institutrice à l'école primaire du village de Ban Vieng Hine au Laos

A l’occasion de notre séjour de volontariat au village, j’ai eu l’occasion de réaliser une série d’interview pour découvrir et mieux comprendre la culture locale. Voici donc le portrait de Chaï Moa, une des 3 institutrices de l’école de Vieng Hine. Maîtresse, mais aussi épouse et mère de famille, cette merveilleuse femme nous parle de son parcours, et du fonctionnement du système éducatif laotien


Cette interview a été effectuée en lao, après la journée d’école pendant qu’elle préparait la nourriture des animaux. Elle a été traduite par l’intermédiaire du guide francophone qui nous accompagnait au village, avant d’être retranscrit et reformulé pour en faciliter la lecture et la compréhension.



- Bonjour, pouvez-vous nous parler un peu de vous et de votre famille ?


- Sabaïdee, je m’appelle Chaï Moa, j’ai 27 ans et je suis Hmong. Je vis au village de Vieng Hine depuis mon mariage en 2014, j’avais alors 22 ans. Avec mon époux, nous avons deux enfants : un garçon de 4 ans et une fille de 2 ans et demi. Je vis avec mon mari et mes enfants dans la grande maison familiale de ses parents, le temps que nous économisions pour construire notre propre maison.


Nous sommes 16 à vivre dans le foyer familial. Il y a mes beaux-parents, leurs quatre fils, trois de leurs épouses, et 7 enfants.

- Parlez-nous de votre métier d’institutrice. Quel parcours scolaire avez-vous suivi ?


- Après le lycée, j’ai étudié pendant deux ans à l’institut pédagogique de Luang Prabang pour y apprendre le métier d’institutrice en école primaire. J’ai été diplômée à l’âge de 22 ans, puis je suis venue travailler à Vieng Hine. Mon diplôme me permet d’enseigner aux élèves de 4ème et de 5ème, de 10 à 12 ans, ce qui correspond respectivement au CM1 et au CM2 en France.


- Pourquoi avez-vous choisi le métier de maîtresse en école primaire ?


- Tout d’abord, j’ai choisi ce métier car j’aime le contact avec les enfants, échanger avec eux et les voir évoluer. J’aime aussi l’idée de leur transmettre mes connaissances pour leur laisser le choix de leur avenir.


Je peux apporter aux enfants de mon ethnie mon savoir et ma connaissance, en espérant leur donner envie d’apprendre. Nous avons besoin de davantage d’institutrices et instituteurs dans les montagnes. C’est aussi important pour moi de montrer « l’exemple » à suivre aux enfants, mais surtout aux petites filles. On trouve davantage de femmes illettrées dans les villages reculés laotiens, car peu d’entre elles ont la chance d’aller au collège et au lycée après la fin du cycle d’école primaire. C’est pourquoi j’espère leur donner envie d’être maîtresse à leur tour.


Ce métier me permet aussi de rester proche de ma famille. Mon mari est fonctionnaire, il travaille toute la semaine en ville et ne rentre que les weekends. Je dois donc m’occuper de mes enfants, mais aussi aider aux travaux domestiques (la cuisine, nourrir les animaux, l’entretien de la maison) ; et parfois aider ma belle-famille aux champs.



- Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne le système éducatif Laotien : le programme scolaire, le fonctionnement de l’école et les différents cours que vous donnez aux enfants ?


- Normalement, les élèves sont regroupés par classes de maximum 25 élèves, mais dans les villages isolés comme Vieng Hine, les enfants sont trop nombreux. Nous avons donc 30 à 35 enfants par classe.


L’école maternelle débute pour les jeunes enfants à leurs 4 ou 5 ans, et ils sont mélangés dans une même classe. Le redoublement n’existant pas, les élèves passent chaque année à la classe supérieure.


Nous devons enseigner 9 matières différentes à l’aide de manuels scolaires conçus par le ministère de l’éducation laotien :


o La grammaire laotienne

o Les mathématiques

o Les sciences

o La géographie

o L’histoire

o L’anglais à partir de la 3ème (CE2)

o L’art plastique (dessin) pour développer leur créativité

o La poterie et la vannerie, activités typiques de nos tribus

o L’entraide et le respect.


Ce dernier enseignement est un « cours de bonne conduite ». On sensibilise les enfants à la solidarité, à l’entraide notamment à la maison avec leurs parents : aider aux champs, aux tâches ménagères, etc.



- Pour finir, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez quotidiennement dans votre travail ?


- Pour commencer, les classes sont trop nombreuses. Il est donc difficile de prendre du temps avec chaque élève pour s’attarder sur leurs difficultés respectives.


Ensuite, il y a un manque de suivi et d’implication des parents concernant les études de leurs enfants. Ils ont des devoirs à faire le soir à la maison, mais peu d’entre eux sont sérieux et assidus, que ce soit concernant leur travail personnel ou leur présence en cours. Ceci est renforcé par l’absence de suivi et d’encouragement de nombreux parents.


Dans les campagnes, beaucoup de laotiens sont analphabètes ou illettrés. La majorité d’entre eux arrêtent l’école à la fin du cycle primaire. L’éducation n’est donc pas une priorité. La priorité, c’est le travail aux champs et dans les rizières pour pouvoir nourrir leur famille. Ainsi, ils emmènent parfois leurs enfants travailler la journée, ou ils les laissent vadrouiller dans le village et la campagne alentours. Souvent, les enfants rejoignent leurs parents après l’école pour les aider dans leurs travaux quotidiens.


Certains élèves ont donc des difficultés importantes dues à un manque d’implication dans leur parcours scolaire, et les écarts de connaissances entre élèves d’une même classe sont important. Par exemple, certains élèves en classe de 5ème (CM2) ne savent toujours pas lire.



- Merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. Je vous souhaite beaucoup de réussite dans vos projets personnels et professionnels.



Cette interview nous a permis de creuser la question de l’éducation au Laos. Il est maintenant plus simple pour nous de comprendre les difficultés et le fonctionnement des écoles isolées en zone rurale. En parallèle, cela nous a aussi permis de découvrir le quotidien d’une femme dans un village reculé.


L’association « Enfants du Laos » encourage le développement de l’éducation dans les zones rurales reculées du pays. Pour cela, nous avons financé la construction d’une école informatique à Vieng Hine. Nous organisons à présent des sessions de cours dans le village, afin de développer les connaissances et compétences de ses élèves, et d’encourager le développement de l’éducation. La réussite de notre première mission laisse présager un résultat positif auprès des enfants.



Pour plus d'informations sur les ethnies laotiennes, nous vous conseillons de visiter le site internet du TAEC (Centre des arts traditionnels et des ethnies)








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